Jules Colin a créé en 2020 la startup Botcup, incubée à Quai Alpha (Vosges). Le chef d'entreprise, qui n'a même pas 30 ans, a travaillé longtemps dans l'événementiel. Son constat ? L'étendue du gaspillage concernant les gobelets à usage unique mais aussi les contenants réutilisables. Lors de festivals par exemple, chacun repart avec son éco-cup ou sa gourde individuelle aux couleurs de l'événement, en souvenir. Mais ces goodies distribués par les organisateurs, notamment pour remplacer les bouteilles en plastique, s'accumulent ensuite dans les placards sans forcément être réutilisés. Aurait-on ainsi créé des déchets durables ?
Si seulement il avait autant de temps que d’idées. Jules Colin, 27 ans, est un entrepreneur dans l’âme. Des projets, il en conçoit et en réalise depuis ses seize ans, avec la ferme intention de les mener jusqu’au bout. Il suffit de voir ses yeux s’illuminer à l’aune des anecdotes des projets passés pour comprendre que la conception sera toujours son leitmotiv. Créer, imaginer, penser, construire, tomber, adapter, reconstruire, porter, accomplir : tous ces verbes il les vit avec passion.
Evidemment, et comme souvent, il n’a pas commencé seul. A Remiremont (Vosges), une petite équipe s’active depuis plusieurs années pour proposer des événements culturels, notamment des concerts. Lorsqu’il était encore au lycée, Jules Colin a décidé de filer un coup de main à ces créatifs qui veulent « donner un coup de peps » au territoire.
L'organisation d'événements : apprendre sur le terrain
Le premier projet auquel il participe s’intitule « One chance », une réplique de la fameuse émission The Voice diffusée par TF1, dont le directeur de casting a d’ailleurs participé à Remiremont. Au total, 64 candidats se présentent et Jules se retrouve ainsi en charge de trouver des salles, organiser les plannings, la logistique et l’accueil du public. Une occasion bien plus formatrice qu’il n’aurait pu l’imaginer. « Je me suis rendu compte que c’était ça qui me plaisait : tout créer de A à Z. » Les événements s’enchainent pendant quatre ans aux côtés de Daniel N’Dao de la Danse Moderne Academy (DMA), couronnés en 2016 par la venue de Fréro Delavega devant un public de 4000 personnes.
L’autre passion de Jules Colin, c’est le sport. Féru de tennis mais aussi de foot et d’escalade, le jeune entrepreneur a du mal à tenir en place. Les montagnes vosgiennes l’ont habitué au grand air, à la marche et au dépassement de soi. « Je suis parti faire mes études en Staps (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives) et l’événementiel m’attirait toujours. ». Avec un petit groupe, il crée un week-end sportif étudiant, le Wese, à La Bresse. « C’était un mélange entre Koh-Lanta et Ford-Boyard », explique-t-il. L’idée cartonne et sera réitérée, avec la fervente adhésion des étudiants.
En 2017, Jules Colin crée l’association Iron & Feeling, là encore dans l’entreprenariat culturel mais cette fois-ci avec une touche d’audiovisuel. « Pendant mon master en école de commerce Skema à Lille, j’ai fait une année de césure et j’ai travaillé dans la production et la distribution cinématographique. J’ai bossé pour Agat Films un collectif de producteurs associés mais aussi la société Le Pacte. De retour dans les Vosges, son association organise le festival Let’s be green, la venue d’Ary Abittan ou encore celle de Viktor Vincent.
Mais la Covid-19 va fortement perturber la suite de l’aventure et donner vie à un projet dans les tiroirs : Botcup. Obligé d’être à l’arrêt ? Certainement pas. Rien que l’idée semble ubuesque pour Jules.
Un voyage qui va changer sa vie
Bien avant le confinement, Jules Colin a voyagé en Roumanie pendant un an et pendant huit mois au Vietnam pour valider son Master 2. « J’ai dû revenir à cause du Visa, sinon je serais probablement resté », concède-t-il. Il rencontre un français avec qui il se lie d’amitié et ensemble ils réfléchissent au problème du jetable et comment développer le réutilisable et les fontaines à eau. Finalement son acolyte préférera voyager, mais l’idée d’entreprendre poursuit Jules Colin. Le confinement ne sera que le facteur accélérant.
Les gourdes, il en utilise depuis toujours dans l’événementiel. Mais ces dernières sont personnelles, notamment parce qu’elles ne vont pas au lave-vaisselle facilement. Ok pour la réutiliser pour soi, mais pas vraiment dans l’usage de la prêter à quelqu’un. Dans ce cas, comment faire pour les centres de loisirs, les hôtels qui utilisent encore des bouteilles en plastique ou des carafes, les associations sportives ? Dans les festivals même combat : les organisateurs investissent chaque année des milliers d’euros dans des gourdes personnelles à l’effigie de l’événement avec laquelle le public repart à la fin. Mais si le spectateur participe à 3 ou 4 festivals dans l’année il accumule ses gourdes, les range dans ses placards et crée ainsi… des déchets durables. Comme pour tout, même constat : a-t-on besoin d’autant d’objets ?
La solution : dessiner un produit qui s’ouvre de telle sorte que l’objet puisse se laver mieux et avec lequel les participants des événements ne repartiront pas. « J’ai fait appelle à ma belle-sœur qui est designeuse d’intérieur. Depuis l’objet a beaucoup changé bien sûr mais ça nous a donné l’élan », raconte Jules Colin, qui a depuis protégé la création auprès de l’Inpi en dessins et modèles. L’industrie était un environnement complètement nouveau pour lui, mais il n’est pas à un challenge près. « J’ai été voir l’usine Milplast à Remiremont avec qui j’ai découvert le métier. Un bureau d’études m’a accompagné dans la faisabilité », souligne-t-il.
La projet était bien avancé mais restait la question du financement. C’est finalement BPI qui donne le top départ en lui octroyant une bourse. « Je me suis dit je me lance, et la crise covid est tombée juste après. Ca tombait bien, je n’avais plus que ce projet à développer ».
Aujourd’hui, l’entreprise Botcup compte 4 personnes et a réceptionné ses premiers moules pour lancer la production. « Il y a parfois eu du retard à cause de la situation mondiale sur l’approvisionnement, mais tout finit par se décanter », se réjouit-il. Le projet vosgien a été sélectionné par la Région Grand Est et a obtenu une bourse de 83000€ pour développer son activité. De quoi réimaginer complètement l’utilisation des gourdes à usage collectif.