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TikTok et le hack de ses 1000 premiers utilisateurs

Musical.ly a acquis ses tout premiers clients en profitant d’un petit hack. Découvrez notre article pour en savoir davantage.

L’histoire de TikTok est compliquée. Au départ, il s’agissait de trois applications distinctes :

  • – Musical.ly : une startup chinoise ciblant le marché américain des adolescents.
  • – Douyin : une application de la société chinoise Bytedance (connue pour avoir créé Toutiao, une application qui exploite l’IA pour des informations hyper-personnalisées) destinée au marché chinois.
  • – Tiktok : La version mondiale de Douyin (qui a ensuite acquis Musical.ly).

Musical.ly a vu le jour deux ans avant Douyin, mais a délibérément décidé d’ignorer le continent asiatique et de se concentrer exclusivement sur le marché américain.

Alex Zhu, fondateur et co-PDG à l’époque, considérait que le marché des réseaux sociaux grand public en Chine, plus concurrentiel nécessitait des investissements trop lourds pour s’y faire une place au soleil. Pour une entreprise qui venait de démarrer, il était plus logique de s’attaquer d’abord au marché américain.

C’était en 2014, et deux ans plus tard (en 2016), ByteDance a profité de l’énorme succès de Musical.ly à l’étranger (en devenant l’application numéro 1 sur l’App Store) pour lancer un copycat concurrent sur le marché chinois en seulement 60 jours. Douyin a pris le marché chinois d’assaut et a atteint plus de 100 millions d’utilisateurs en un an. Personne, pas même Muscial.ly, le leader historique, ne pouvait alors rivaliser sur le marché chinois.

Un an plus tard, en 2017, Musical.ly fit l’acquisition de Douyin pour une coquette somme estimée à un milliard de dollars, une transaction anodine qui allait changer la face du monde.

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Leçon d'histoire : Musical.ly

Musical.ly a été fondé par Alex Zhu, un ancien employé de SAP qui, pendant quatre ans, a partagé son temps entre Shanghai et San Francisco. Mettant à profit cette période, il a passé ses journées à essayer d’anticiper les futures tendances en matière d’éducation et d’apprentissage. Son travail consistait à rédiger des pistes de réflexion et à créer des présentations pour le staff de la boîte afin de les aider à élaborer une feuille de route pour développer de nouveaux produits dans un horizon de 5 à 10 ans.

L’intitulé de son poste était « futurist »

Alex Zhu... "futuriste" donc chez SAP

Naturellement, après avoir passé presque une demi-décennie à réfléchir à l’avenir de l’éducation, Alex a décidé de quitter le navire et de se mettre à son compte. Il a créé une application éducative, à mi chemin entre Coursera et Twitter.

L’idée était de permettre aux utilisateurs de créer des vidéos éducatives de 3 à 5 minutes et l’hypothèse était qu’avec cette contrainte, le rapport entre le bruit et le signal* serait extrêmement élevé.

 

*Toute communication implique la création, transmission et réception d’informations. Durant chaque étape de ce processus, la forme de l’information – le signal – est dégradée et des informations non pertinente – du bruit – sont ajoutées. La dégradation réduit la quantité d’information utile en modifiant sa forme. Le bruit réduit la clarté en diluant l’information utile avec de l’information inutile. La clarté de l’information peut être comprise comme le ratio de signal restant par rapport au bruit ajouté. Par exemple, un graphique élément inutile aura un ratio signal-bruit élevé.

Le but du design est donc de maximiser le signal et de diminuer le bruit, produisant ainsi un ratio signal-bruit élevé.

Maximiser le signal signifie clairement communiquer de l’information avec une dégradation minimale. La dégradation du signal apparait quand l’information est présentée de façon inefficace : écriture non claire, graphique inapproprié ou des labels et icônes ambigus. La clarté du signal est améliorée à travers une présentation simple et concise. Un design simple nécessite une charge de performance (voir article) minimale, permettant aux gens de se concentrer sur l’information. Par exemple, l’utilisation du mauvais type de graphique pour présenter certains types données peut modifier le sens de l’information. Mettre en avant les aspects clés de l’information peut aussi réduire la dégradation du signal : par exemple mettre en surbrillance ou la répétition des éléments importants d’un design.

Minimiser le bruit signifie enlever les éléments non nécessaires. Il est important de réaliser que chaque élément non nécessaire (graphiques, textes, lignes, symboles …) détourne l’attention des éléments pertinents. Les éléments nécessaires devrait être eux aussi réduit au strict minimum tout en conservant leur fonction ou leur message pour accentuer leur efficacité. Par exemple, les lignes de séparation des cellules d’une table devraient être amoindries, éclaircies voir supprimées. L’excès crée du bruit.

En conclusion, il faut maximiser le ratio signal-bruit, augmenter le signal en gardant un design simple et sélectionner les stratégies de design avec soin. Il ne faut pas hésiter à utiliser des standards et des règles bien répandus pour créer un effet levier sur les conventions et promouvoir une implémentation cohérente.

(source : Universal Principles of Design)

Mais le projet a rapidement et résolument échoué. Pour deux raisons :

  • Du côté des créateurs : Les vidéos étaient courtes, mais la création d’une vidéo éducative de 3 à 5 minutes était notoirement chronophage.
  • Du côté des consommateurs : L’éducation est intrinsèquement contraire à la nature humaine. Les gens ont besoin d’une motivation intrinsèque et/ou extrinsèque pour poursuivre leur apprentissage. En fin de compte, les gens ne se souciaient pas assez de passer 300 à 500 minutes de leur vie à apprendre sur 100 sujets aléatoires différents… qui ne les intéressaient tout simplement pas.

La genèse de Musical.ly

L’idée de Musical.ly est venue à Alex après avoir observé des adolescents dans le train à San Francisco. De son point de vue, les adolescents ne faisaient que deux choses : soit écouter de la musique, soit faire défiler leurs médias sociaux. En associant l’un et l’autre, Musical.ly est né.

Alex avait déjà tous les outils de création et l’infrastructure en place (de sa précédente application éducative), en un mois, Musical.ly était lancé.

Musical.ly a pris tous les meilleurs éléments de l’application éducative (création et édition de vidéos en mode natif sur mobile) et a supprimé toutes les choses qui ne fonctionnaient pas (en transformant le processus de création de vidéos, qui était extrêmement difficile (il fallait penser à planifier un cours éducatif de 3 à 5 minutes), en un processus extrêmement facile (il suffisait d’ajouter de la musique aux vidéos à partir de la galerie du smartphone)

La liquidité du contenu

Le problème des plateformes de contenu généré par les utilisateurs est que seul un pourcentage à un chiffre des utilisateurs crée du contenu… et pour une jeune plateforme axée sur le divertissement comme Musical.ly, il fallait qu’une partie importante des utilisateurs contribue pour maintenir les utilisateurs engagés pendant des heures. Musical.ly y est parvenu en facilitant la création de contenu, où que vous soyez et à tout moment. Lorsque vous vous connectez à l’application tard en soirée, vous pouvez toujours produire des vidéos si vous le souhaitez, car tous les ingrédients bruts se trouvent dans l’application (« inspiration », musique, montages et filtres). Contrairement à d’autres plateformes de médias sociaux, il n’y avait pas d’externalités qui dictaient quand il était socialement acceptable de créer du contenu pour Musical.ly.

Le format vidéo de 15 à 30 secondes a le mérite de permettre aux utilisateurs de produire beaucoup de contenu, et d’abaisser considérablement la barrière à l’entrée pour devenir contributeur (ce qui ne veut pas dire que cela répond à la courte durée d’attention des utilisateurs… comme beaucoup le prétendent). D’une certaine manière, c’est la capacité de Musical.ly à générer suffisamment de contenu pour répondre à l’attention toujours croissante des utilisateurs qui a fait le succès de l’application.

Obtenir ses tout premiers clients

Musical.ly a acquis ses tout premiers clients en profitant d’un petit hack permettant de détourner du trafic de recherche de l’app store pour Instagram et Messenger. Au lieu de nommer l’application « Musical.ly » sur l’app store, ils l’ont nommée « Une application pour créer des vidéos courtes pour Instagram, Messenger, et plus encore. »

En 2014, l’app store donnait au titre de l’appli un poids beaucoup plus important que la description ou les termes de recherche de l’appli. Ainsi, lorsque quelqu’un tapait Instagram ou Messenger… Musical.ly était juste là, dans les tout premiers résultats. Cette petite astuce ne fonctionne plus aujourd’hui, mais c’est ainsi que Musical.ly a réussi à obtenir quelques centaines de téléchargements chaque jour à ses débuts, en faisant en sorte qu’une infime partie des personnes qui recherchaient Instagram ou Messenger téléchargent leur application… juste par curiosité (ou par confusion… qui sait).

Conserver leurs premiers utilisateurs

Obtenir des clients est une chose, mais les maintenir est une toute autre histoire, en particulier pour Musical.ly, où les utilisateurs sont venus avec zéro attente.

À l’instar d’Instagram, Musical.ly se concentrait principalement sur l’utilité. Ils ont servi d’outil pour ajouter de la musique aux vidéos de votre galerie que vous pouviez ensuite poster sur d’autres plateformes de médias sociaux.

Ignorer les influenceurs

Mais avec quelques centaines d’utilisateurs affluant chaque jour, la construction d’une communauté a joué un grand rôle dans le succès de l’entreprise. Au lieu d’essayer de consacrer leurs ressources à une bataille impossible consistant à convaincre les influenceurs de rejoindre leur plateforme à grands coups de billets verts, Alex et son équipe se sont concentrés sur le consommateur quotidien… en imaginant ce qu’il a appelé le rêve de « Musical.ly ».

Le rêve Muscial.ly est l’opportunité pour les personnes ordinaires sur d’autres plateformes comme vous et moi de devenir importantes et de le devenir très rapidement sur Musical.ly, ce qu’elles ne pourraient pas faire sur des plateformes plus grandes et plus établies.

L’idée était de se concentrer uniquement sur des personas de la « classe moyenne » des autres plateformes, de les rendre célèbres sur Musical.ly et de faire en sorte qu’ils servent finalement d’inspiration pour les autres.

Si Madame Michu l’a fait (devenir célèbre sur Musical.ly), alors je le peux aussi.

Chaque nouvel utilisateur de Musical.ly/Tiktok.

Plus les nouveaux venus grandissaient rapidement, plus ils étaient motivés pour continuer à produire du contenu sur Musical.ly, et plus les gens affluaient sur l’application pour tenter de réaliser leur rêve de toujours : devenir célèbre sur Internet.

La répartition des richesses (de l'audience)

En regardant Tiktok aujourd’hui, cette stratégie semble évidente, réalisable et géniale. Le problème est qu’au tout début, lorsque vous n’avez que quelques milliers d’utilisateurs, comment faire percer les gens… rapidement ? Il n’y a tout simplement pas assez de trafic pour satisfaire tout le monde.

La façon dont Alex a conçu cette opportunité en tant que proposition de valeur était de créer intentionnellement une inégalité massive de richesse autour du trafic. Une poignée d’utilisateurs deviendrait rapidement « riche » grâce à la fonction discover sélectionnée à l’époque… et tous les autres seraient extrêmement pauvres.

Cette situation ne pouvait durer que quelques mois, les utilisateurs pauvres normaux continuant à produire du contenu en espérant qu’ils deviendront riches un jour. D’ici là, Alex espérait que la croissance de Musical.ly continuerait à s’accélérer et que, bientôt, le trafic serait suffisant pour décentraliser l’opération (c’est-à-dire développer un algorithme) et donner à chacun une chance réelle de devenir « riche » et d’amasser un public.

Co-créer avec ses utilisateurs

La deuxième chose que Musical.ly a fait pour conserver ses premières cohortes de clients a été de créer avec ses clients. Comme l’équipe se trouvait en Chine, elle a dû surcompenser en parlant et en comprenant ses utilisateurs et surmonter toutes les différences culturelles.

Beaucoup de faux comptes

Pour commencer, pendant les six premiers mois de vie de l’application, Alex a crée des dizaines et des dizaines de faux comptes pour interagir avec les utilisateurs sur la plateforme. Il commentait et partageait ses commentaires sur les vidéos des utilisateurs, essayant de comprendre comment et pourquoi les gens utilisent son application. Il a même été rapporté qu’il appelait (prétendument) certains des utilisateurs les plus engagés et les invitait, ainsi que leurs parents, à des dîners gratuits pour tenter de comprendre le mystérieux état d’esprit des adolescents américains.

Solliciter des commentaires

Au-delà de la simple création de faux utilisateurs, la première application Musical.ly avait un bouton qui disait « mes idées » (et non pas un retour ou un soutien… il y a quelque chose dans l’utilisation de la première personne qui rendait les utilisateurs plus enclins à cliquer dessus) Lorsque les utilisateurs l’ouvraient, il leur demandait de lister trois choses qu’ils aimaient dans l’application et trois choses qu’ils détestaient.

C’était toute la feuille de route du produit ; réparer les choses que les gens détestent, améliorer les choses que les gens aiment.

Designer avec les utilisateurs

La dernière chose qu’ils ont faite a été d’adapter les principes de conception participative comme un évangile au sein de l’entreprise. Alex a embarqué des centaines d’early adopters sur un groupe WeChat, et aucun ingénieur de l’entreprise n’était autorisé à travailler sur une nouvelle fonctionnalité, sans partager d’abord les maquettes et les wireframes sur WeChat et obtenir un premier retour de leur part.

Musical.ly ou Tiktok peuvent, à première vue, ressembler à un produit apparu comme un lapin sorti d’un chapeau mais rassurez-vous, cette magie n’est pas apparue par hasard, elle a été conçue !

Le service de Netflix étant gratuit, il n’est pas confronté au même obstacle à l’utilisation ou à la valeur qu’Apple Arcade. Mais il est aussi beaucoup plus difficile à utiliser que ce dernier service. Comme Apple est propriétaire d’iOS, Arcade est autorisé à regrouper ces jeux dans une seule application et n’oblige pas les utilisateurs à se rendre sur l’App Store pour les installer. C’est une bien meilleure expérience pour l’utilisateur. Netflix bénéficie de la possibilité de faire découvrir son catalogue de jeux via son application, mais là encore, Apple fait de la publicité pour Arcade dans son système d’exploitation.