Les dérives du management en entreprise, vues par la science-fiction
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Les dérives du management en entreprise, vues par la science-fiction

Loin des clichés d’un genre réputé puéril, la science-fiction est avant tout un miroir grossissant de notre société qui aborde de nombreux sujets comme l’entrepreneuriat ou le management. Vous trouverez dans cet article un florilège de situations problématiques telles qu’elles sont apparues dans de nombreuses productions cinématographiques et télévisées de science-fiction, et qui font écho à de véritables situations managériales qui persistent parfois encore en entreprise.

Table des matières

L’idée de cet article est née des écrits publiés par Sonia Adam-Ledunois et Sébastien Damart sur le site de l’Université Paris Dauphine, respectivement consacrés à la mise en lumière du management et aux travers de l’entreprise et des sociétés d’aujourd’hui par le biais de la science-fiction. Ici, l’accent est mis sur plusieurs représentations célèbres de rapports hiérarchiques problématiques en entreprise telles qu’on a pu les voir dans plusieurs films et séries de science-fiction. Les extraits choisis sont en VO pour des raisons de praticité, mais rien ne vous emêche de (re)découvrir ces oeuvres en VF pour y explorer de nouveaux niveaux de lecture.

Matrix (1999) - Lana & Lilly Wachowski

"Si un employé a un problème, l'entreprise a un problème."

Dans Matrix, Thomas Anderson (Neo) se fait sermonner par son chef après être arrivé une nouvelle fois en retard au travail, et s’entend dire qu’un seul élément déséquilibré pourrait perturber le fonctionnement de toute la société. Pourtant, ce superviseur ne cherche visiblement pas à comprendre la source du problème qui pourrait mettre la société en danger puisqu à aucun moment M. Rhineheart, le supérieur de Thomas Anderson, ne prend le temps d’écouter son employé sur les raisons éventuelles de ses retards répétés. Le film ne nous donne pas assez de contexte pourqu’on sache si, en dehors de ces retards, Anderson est un bon élément ou non. Mais cela ne semble pas être une préoccupation majeure pour cette direction de type patriarcale et autoritaire.

(Aviez-vous remarqué que l’eau savonneuse sur les vitres coule exactement comme les lignes de code de la Matrice ?)

Ce qui est important ici, c’est que les spectateurs doivent doucement commencer à comprendre que Thomas Anderson ne se sent pas à sa place dans cette société (au sens large). D’ailleurs, les mots prémonitoires prononcés lors de cet échange ne sont pas choisis au hasard par les sœurs Wachowski, car ils préfigurent le danger que représenterait Neo pour le système de contrôle de la Matrice s’il se croyait spécial et qu’il pensait que les règles ne s’appliquent pas à lui. Alors que c’est précisément ce schéma de pensée que va lui inculquer Morpheus un peu plus tard, afin de faire réaliser à Neo qu’il est l’élu. Si on considérait l’approche de Morpheus comme une forme de management, on pourrait dire qu’il pousse l’un de ses collaborateurs à réfléchir hors du cadre et à dépasser ses pensées limitantes pour l’inciter à utiliser son véritable potentiel caché. Une méthode assurément plus efficace que celle de M. Rhineheart qui ne cherche rien d’autre que de maintenir M. Anderson à sa place pour qu’il continue d’effectuer toujours les mêmes tâches, qu’il y prenne ou non du plaisir.

Brazil (1985) - Terry Gilliam

"Voici le reçu pour votre mari… et voici le reçu pour mon reçu."

Dans Brazil, dès l’introduction du long-métrage, on peut voir des bureaux noyés sous la paperasse tels une fourmilière bruyante et hyperactive qui deviennent silencieux dès que le chef a le dos tourné, lorsque les employés regardent la télévision. Un jeu du chat et de la souris assez classique dès qu’il existe une relation de subordination.

Dans une autre séquence mémorable, Sam Lowry a l’honneur d’être mené à son premier bureau individuel par un responsable entouré d’une nuée d’assistants dans un brouhaha incompréhensible le long de grands couloirs sombres et déserts. Juste après ça, Lowry doit littéralement se battre pour chaque centimètre de bureau avec son voisin qui se justifie de façon soumise lorsqu’il croit parler à un responsable, puis qui présente ses excuses lorsqu’il réalise qu’il s’adresse à un simple collègue. La caricature est volontairement forcée par Terry Gilliam tout au long de sa version parodique de 1984 par George Orwell, y compris sur d’autres aspects, mais ces situations grotesques de soumission de facade parleront à tout salarié. Là encore, les problèmes viennent du fait que les dirigeants pensent n’être là que pour distribuer des ordres, et que toute écoute des besoins des salariés semble superflue, alors que cette approche est contre-productive dès que les dirigeants ont le dos tourné.

Bienvenue à Gattaca (1997) - Andrew Niccol

"Nous avons maintenant fait de la discrimination une science."

Dans le monde eugénique de Bienvenue à Gattaca, Vincent Anton Freeman (un nom prophétique, puisqu’il s’estime libre de choisir son destin indépendamment de son héritage génétique) se fait passer pour le génétiquement parfait Jerome Eugene Morrow (un autre nom bien choisi) sur son lieu de travail dans l’espoir de participer à une mission spatiale. Ce qui attire l’attention de son supérieur dans l’open space déshumanisé qu’il partage avec de nombreux collègues qui sont toutes et tous habillés et coiffés de manière identique, c’est, en premier lieu, que son espace de travail est toujours très propre (ce qui est suspect dans un monde où chaque résidu de peau ou de cheveu est analysé pour des raisons de sécurité), et seulement en second lieu le fait que ses calculs sont toujours complètement exacts. On n’apprécie jamais que l’on relève nos défauts avant nos qualités, n’est-ce pas ?

Puis lorsque Vincent apprend de son supérieur que la mission à laquelle il va participer décollera la semaine suivante, il n’esquisse pas le moindre sourire de peur de se trahir. Comme si le réalisateur Andrew Niccol voulait souligner le fait que pureté (génétique) n’est pas forcément synonyme de propreté (morale), ou le fait qu’exprimer ses émotions sur un lieu de travail peut parfois être perçu comme un comportement non-professionnel. Là encore, on peut observer qu’il semble y avoir des problèmes de communication entre la hiérarchie et les employés. On dit à Jerome Morrow (en réalité Vincent Freeman) que ses résultats sont excellents et qu’ils mèneront l’humanité sur Titan, mais celui-ci n’a entendu que des rumeurs concernant un retard dans l’approbation de la mission par le comité. Le superviseur répond simplement à Jerome qu’il ne devrait pas se fier aux rumeurs car il part dans une semaine, et il doit immédiatement aller passer un test ADN. Mais Jerome aurait-il obtenu cette confirmation s’il n’avait pas posé la question ?

Equilibrium (2002) - Kurt Wimmer

"Nous avons cherché à passer outre l'individualité, en la remplacant par la conformité, en la remplacant par l'uniformité."

En matière de dissimulation d’émotions face à sa hiérarchie, Bienvenue à Gattaca n’a d’ailleurs rien à envier à Equilibrium dont c’est le thème principal. Ici, le réalisateur / scénariste Kurt Wimmer mélange des idées issues des romans classiques « 1984 » (George Orwell, 1949, pour le régime totalitaire et la surveillance généralisée incarnées par « Le Père » qui n’apparaît que par écrans interposés), Fahrenheit 451 (Ray Bradbury, 1953, pour la destruction systémique des oeuvres d’art et des livres) et « Le Meilleur des Mondes » (Aldous Huxley, 1932, pour la médication obligatoire qui influence l’état émotionnel des citoyens), ainsi que du film « THX 1138 » (George Lucas, 1971, une fois encore pour la médication obligatoire, mais cette fois sévèrement contrôlée par des forces de l’ordre impitoyables et dénuées d’émotions qui protègent l’uniformité et prohibent l’individualité).

Le réalisateur / scénariste saupoudre son histoire d’action et de visuels fortement inspirés de Matrix pour raconter le parcours de John Preston, un ecclésiaste de l’Ordre des Tetra-Grammaton (comprendre par là : un représentant haut placé des forces de l’ordre) chargé de lutter contre les rebelles qui refusent de détruire des œuvres d’art ou contre la population qui refuse de prendre son traitement inhibiteur d’émotions. Or John Preston cesse lui-même de prendre son traitement (d’abord par accident, puis volontairement) et découvre progressivement ce que son gouvernement lui cache. Étant donné sa position, il doit en permanence contrôler ses émotions pour ne pas éveiller les soupçons de ses collègues zélés, y compris lorsqu’il tente de sauver un chiot d’une extermination froide et systémique par ses propres subordonnés.

Cela se traduit également par une scène en open space où Preston change la disposition de ses accessoires de bureau (tampon, agrafeuse, trombones) juste après que le spectateur ait réalisé que tous les accessoires de tous les bureaux sont disposés exactement de la même manière. Surpris par son nouveau collègue Andrew Brandt, qui ne comprend pas que Preston ose casser l’uniformité de son bureau, l’ecclésiaste sauve la face en prétendant être à la recherche d’une meilleure optimisation de ses outils de travail. Comme si en entreprise, les émotions n’avaient aucune valeur d’argument, tandis que la justification de l’optimisation des performances passe à tous les coups auprès de la hiérarchie.

Blade Runner (1982) - Ridley Scott

"Chaque fois qu'une lumière brûle deux fois plus, elle brille deux fois moins longtemps. Et vous avez brûlé on ne peut plus brillamment, Roy."

Dans Blade Runner, l’immense bureau du grand patron Eldon Tyrell se trouve visiblement dans les plus hauts étages de l’une des deux pyramides qui servent de siège à la Tyrell Corporation. Comment le sait-on ? Il s’agit du seul moment du film où on peut apercevoir des rayons de soleil, alors que les rues de Los Angeles semblent en être privées en permanence. La Tyrell Corporation fabrique les Réplicants, des androïdes à l’apparence humaine de plus en plus réaliste, et « plus humains que les humains » selon leur slogan. Le Dr. Tyrell a d’ailleurs un rapport particulier avec son assistante, Rachael, qui semble avoir toute la confiance de son patron. Mais elle ignore sa véritable nature d’androïde parce qu’elle est un modèle expérimental à qui on a implémenté de faux souvenirs d’enfance.

En conséquence, Rachael est autant la subordonnée que le produit du Dr. Tyrell, ce qui crée forcément une grande confusion chez elle lorsqu’elle l’apprend. Étant donné que leur relation hiérarchique est entièrement basée sur un mensonge destiné à contrôler les émotions de l’employée, on peut aisément déduire que Ridley Scott dénonce ici une forme extrême de management toxique visant à supprimer les émotions pour maximiser l’efficacité de ses employés/produits. Cette méthode atteint toutefois des limites dramatiques lorsque celui qui est présenté comme l’antagoniste du film, un androïde Nexus-6 de dernière génération nommé Roy Batty, cherche à prendre contact avec son créateur le Dr. Tyrell afin de bénéficier d’un temps de fonctionnement (de vie ?) plus long. Les conséquences en sont désastreuses pour le Dr. Tyrell, mais après avoir visionné les dernières scènes du film avec un Roy Batty rempli d’émotions, on en vient à se demander qui était vraiment l’antagoniste mal intentionné de cette histoire : Roy Batty ou le directeur Tyrell ?

RoboCop (1987) - Paul Verhoeven

"Dick, vous êtes viré !"

Dans le même ordre d’idée, où il règne une confusion entre les statuts de subordonné et de produit, lorsque le policier Alex Murphy est brutalement assassiné au cours d’une mission, son corps est récupéré par la société privée Omni Consumer Products (OCP) pour servir le projet RoboCop (1987). Il est ainsi transformé en cyborg et remis en service aux côtés des forces de police, tout en restant la propriété de l’OCP. Au cours de son enquête, il apprend que son créateur Bob Morton a été tué par un rival jaloux nommé Dick Jones, qui est également un employé de l’OCP. Lorsque RoboCop tente d’arrêter Dick Jones, qui est techniquement son supérieur au sein de l’OCP, il ne peut aller au bout de la procédure à cause d’une directive cachée dans son programme (il est intéressant de noter que Dick Jones, bien que n’étant pas responsable du projet RoboCop, a réussi à y inclure cette directive pour protéger ses propres intérêts, probablement après la mort de Bob Morton).

Cette directive indique en effet que toute tentative d’arrestation d’un membre des hautes sphères de l’OCP aura pour résultat un arrêt du système informatique de RoboCop.
Cette propension des dirigeants à se protéger eux-mêmes au détriment des employés de base est malheureusement une réalité dans certaines grandes organisations, notamment aux Etats-Unis où il n’existe aucune sécurité de l’emploi. Ne pouvant directement surmonter ce problème, RoboCop tente une approche digne des récits d’Isaac Asimov où les robots ne cessent de contourner les 3 lois de la robotique qui semblent pourtant inviolables. Il présente une preuve vidéo directement au PDG de l’OCP, et c’est seulement lorsque ce dernier licencie sur-le-champ son subordonné que RoboCop peut enfin agir contre Dick Jones (de façon extrêmement violente et définitive, comme l’affectionnait souvent le réalisateur Paul Verhoeven).

En marge de ces événements, on peut observer que lorsque Dick Jones est exécuté devant ses collègues, l’un de ces derniers arbore un grand sourire et ne semble pas particulièrement choqué par l’action violente qui vient de se dérouler sous ses yeux. Or il ne faudrait pas oublier que cet homme, Donald Johnson, même si on ne le voit pas commettre d’actes répréhensibles dans le film, était le plus proche collaborateur de Bob Morton qui ne semblait pas posséder un sens moral plus vertueux que celui de son rival Dick Jones. Dans le film suivant, Johnson se voit placé à la tête du projet RoboCop 2, et n’hésite pas à attribuer l’échec de son programme à l’une de ses collègues. Ce n’est que dans le troisième film, suite au rachat de l’OCP par la Kanemitsu Corporation, que Johnson commence à exprimer des regrets liés aux débordements de son employeur, malgré le fait que sa propre ascension professionnelle soit due essentiellement due à la disparition de ses collaborateurs. De là à considérer que Verhoeven pense que les rivalités au sein des grandes corporations des années 80 s’apparentaient à des luttes sans pitié jusqu’à la mort (un thème exploré au sens propre dans l’adaptation filmique sortie en 2000 du roman American Psycho de Bret Easton Ellis), il n’y a qu’un pas.

Retour Vers Le Futur II (1989) - Robert Zemeckis

"Si ça marche pas, Needles, je serai viré de la boîte. C'est illégal ton affaire."

Un autre exemple de relations malsaines entre employés d’une même structure peut être constaté dans Retour Vers Le Futur II. Lorsque Jennifer se cache dans sa propre future maison de 2015 à Hilldale, elle assiste sans le vouloir au moment précis où le Marty McFly du futur perd son emploi. Contacté en visioconférence par son collègue (mais pas forcément ami) Douglas J. Needles, Marty refuse tout d’abord de participer à une opération financière illégale qui le mettrait à l’abri du besoin. La raison principale du refus ne semble pas être liée au sens moral de Marty McFly, mais plutôt à sa peur d’être découvert par son supérieur hiérarchique. Needles s’y attend visiblement, car il contre-attaque directement en disant à Marty qu’il ne voudrait certainement pas que toute la division pense qu’il est une « mauviette ». Cela produit l’effet escompté, puisque Marty change soudainement d’attitude en entendant le mot « mauviette », et accepte finalement d’insérer la carte (d’identification ? de paiement ?) de son employeur CusCo dans le lecteur pour valider l’opération. À peine Needles a t’il le temps de dire « à demain à l’usine » (« au turbin » en VF) à Marty, que ce dernier est rappelé par son superviseur M. Fujitsu qui le licencie sur-le-champ parce qu’il a tout entendu. Le licenciement est immédiatement officialisé par l’envoi de 3 fax au domicile de Marty McFly.

Bien qu’on ignore ce que fabrique la société CusCo, ainsi que la place qu’y occupe précisément Marty (sans parler des détails de l’opération illégale), on peut légitimement imaginer que cet événement était un piège tendu à Marty par son rival Needles (qui sait depuis 1985, comme on l’apprendra dans le film suivant, qu’il peut obliger Marty à faire des choses insensées en le traitant de « mauviette », comme participer à une course de voitures en pleine rue). Il est en revanche difficile d’affirmer si, oui ou non, M. Fujitsu était dans le coup. Mais vu sa vitesse de réaction, on pourrait imaginer qu’il était au courant du piège. Si c’était réellement le cas, on devrait autant s’interroger sur les raisons qui ont poussé M. Fujitsu à contrôler les communications de Marty, que sur la méthode sournoise utilisée pour précéder au renvoi d’un collaborateur. Dans tous les cas, le but du réalisateur Robert Zemeckis était probablement moins de dénoncer les travers du management du futur que d’insister sur les faiblesses de caractère du personnage principal de sa saga.

Le Cinquième Élément (1997) - Luc Besson

"Je suis très désappointé."

En matière de management toxique, il est difficile d’égaler le niveau de mégalomanie de Jean-Baptiste Emanuel Zorg dans Le Cinquième Élément. Non content de citer Nietzsche à tort et à travers et de faire peu de cas de l’intégrité physique des partenaires auxquels il confie ses armes de guerre dernier cri, il profite de la « visite » d’un prêtre inoffensif pour lui exposer sa vision du monde particulièrement révélatrice de son état d’esprit de manager. Selon Zorg, la vie naît du chaos. Donc en semant la destruction, il se perçoit lui-même comme un agent favorisant la vie. Il illustre son propos en brisant un verre par terre, et en s’extasiant devant toutes les petites machines qui s’activent pour nettoyer le verre brisé. Sauf qu’un instant plus tard, lorsqu’il s’étouffe avec un noyau de cerise, le même Zorg s’avère incapable de demander de l’aide à qui ou à quoi que ce soit, et voit sa vie sauvée par le prêtre qu’il vient de prendre de haut.

Il n’existe pas de rapport hiérarchique strict entre Zorg et ce prêtre, mais l’échange reste tout de même révélateur de l’ego du CEO de Zorg Industries, dont les secrétaires semblent totalement désœuvrées à chaque fois qu’elles apparaissent à l’écran. La dénonciation manque de finesse, comme souvent dans le cinéma de Luc Besson, mais les faits exposés n’en sont pas moins existants chez les managers qui se soucient davantage de leur pouvoir que du bien-être de leurs collaborateurs et du bon fonctionnement des équipes.

Andor (2022) - Tony Gilroy

"La tyrannie exige un effort constant. Elle se fissure, elle prend l'eau. L'autorité est friable. L'oppression ne masque que la peur."

Un autre exemple de management assimilable à un régime totalitaire peut être vu dans la série Andor. En tant qu’enquêteur adjoint chargé de la sécurité pour le compte du conglomérat privé Preox-Morlana, il est chargé d’enquêter sur le meurtre de deux agents de sécurité. Mais lorsque l’arrestation du suspect dirigée par ses soins tourne au fiasco sur la planète Ferrix, son rapport n’est pas entendu par son supérieur hiérarchique, la sécurité locale est reprise en main par l’armée impériale, et Karn est licencié. Il retourne donc sur son monde natal de Coruscant, et devient un employé de bureau lambda (dans un open space encore plus grand et uniforme que ceux aperçus dans Gattaca et Equilibrium) pour le service de la Pureté des Carburants du Bureau Impérial des Standards. Incapable de passer outre l’affront qu’il a subi sur Ferrix, Karn émet de faux rapports liés au nom de Cassian Andor, le suspect qui lui a échappé, afin d’attirer l’attention des hautes sphères de l’administration impériale. Cela finit par fonctionner puisqu’il est arrêté et questionné par les renseignements impériaux qui lui permettent de rétablir la vérité des faits qui se sont déroulés sur Ferrix.

Même si on lui ordonne d’arrêter d’émettre de faux rapports, et surtout de ne plus se mêler de l’enquête concernant Cassian Andor, Syril Karn reçoit une promotion qu’il interprète (à tort) comme un encouragement à continuer de fournir de l’aide aux renseignements impériaux. Bien que cela ne semble pas être sa motivation première, il paraît probable que Syril Karn envisage son dévouement comme un moyen de gravir les échelons de l’adminstartion impériale. Il est intéressant de noter que dans cette série créée par Tony Gilroy, Syril Karn est (consciemment ou non) un agent zélé et totalement dévoué à un système totalitaire qui ne respecte pourtant pas ses subordonnés. Mais il est une exception au sein de ce système.

Car si les faits exposés par Karn avaient été pris en considération dès le départ, et surtout si son inspecteur en chef n’avait pas falsifié son rapport pour se couvrir de ce système, l’enquête concernant Cassian Andor aurait progressé nettement plus rapidement, et ce dernier aurait probablement été stoppé plus tôt, bien avant de devenir un rouage essentiel de la rébellion contre le régime impérial de cet univers créé par George Lucas. Cela dénonce une limite logique d’une organisation basée sur la peur : si les employés craignent leur hiérarchie, ils risquent fort de dissimuler ou de minimiser des informations qui auraient pu bénéficier à l’organisation toute entière, de crainte de se retrouver sous les projecteurs d’un système qui n’hésiterait pas à les écraser pour continuer à avancer. Dans le cas de l’Empire de l’univers de Star Wars, on ne peut que se réjouir des lourdeurs qui empêchent le bon fonctionnement du système, mais dans toute autre organisation, un tel régime de terreur ne pourrait qu’être contre-productif.

Severance (2022) - Dan Erickson

"Je me disais qu'il fallait être un monstre pour envoyer quelqu'un travailler là-bas, et encore plus pour s'y envoyer soi-même."

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il existe dans la fiction un exemple encore plus extrême de peur au travail qui finit par générer une paranoïa qui se retourne contre la structure qui l’a mise en place. Dans la série Severance, Mark S. et ses collègues de bureau ont accepté l’inconcevable de la part de leur employeur Lumon Industries : une procédure médicale qui provoque une séparation nette entre leur mémoire sur le lieu de travail et ce qu’ils font dans le monde extérieur. En dehors des horaires de bureau, les employés n’ont aucun souvenir du travail qu’ils ont effectué, ce qui évite tout risque de fuite de données concernant les biotechnologies sur lesquelles ils travaillent. Mais cela fonctionne également dans l’autre sens, car au bureau, les collègues n’ont pas le moindre souvenir de leur identité à l’extérieur. Ils ne savent pas s’ils sont mariés, s’ils ont des enfants, et encore moins où ils vivent. S’ils venaient à se croiser dans la rue, les employés ne se reconnaîtraient pas, alors qu’ils passent pourtant leurs journées de travail ensemble. Les salariés concernés semblent se satisfaire de cette situation non éthique, mais l’arrivée d’une nouvelle collaboratrice nommé Helly R., qui rejette l’idée de ne pas savoir qui elle est à l’extérieur et ignore comment elle a pu accepter une telle procédure, va perturber l’équilibre fragile du bureau.

La manager du service, Harmony Cobel, fait régner l’ordre par la main de fer du superviseur Seth Milchick, au sourire constamment forcé, afin d’éviter tout débordement. Mais les employés vont profiter de chaque petite faille pour commencer à mener leur enquête, non sans rencontrer la réticence de certains d’entre-eux, car cela risque de faire vaciller l’organisation qui les emploie, tandis que les spectateurs vont progressivement réaliser que la manipulation des salariés ne se limite pas à leur lieu de travail. La situation décrite dans cette série créée par Dan Erickson n’est évidemment pas réaliste, mais elle grossit le trait du contrôle que certaines entités aimeraient exercer sur leurs subordonnés. Comme si le seul moyen de préserver l’efficacité au travail et de protéger les données de l’entreprise (et donc l’entreprise elle-même) était de demander aux salariés une dévotion totale et inconditionnellesans se soucier de la négation de leur identité et leur individualité. On rejoint ainsi le concept évoqué par Matrix en début d’article. Pour certains managers et dirigeants, l’individu semble être l’ennemi de la société (au sens professionnel comme au sens plus large). Or comme on l’a vu ci-dessus avec l’exemple de l’administration impériale dans l’univers de Star Wars, un tel type de management ne peut produire de bons résultats à moyen ou long terme, car dans de telles circonstances, l’équipe finira probablement par se fédérer autour d’un projet différent de celui qui est envisagé par la direction.

Her (2013) - Spike Jonze

"Theodore, auteur de lettres n° 612. Tu nous a encore éblouis aujourd'hui !"

N’existe t’il pas de représentations positives du management dans la science-fiction ? C’est plus rare, mais ça s’est déjà vu. Dans le monde du film Her par exemple, Theodore Twombly est rédacteur de courriers entre particuliers. Il semble en effet que dans ce futur, les humains ont de plus en plus de mal à exprimer leurs sentiments et préfèrent faire appel à des rédacteurs professionnels pour s’adresser des courriers remplis d’émotion. Pour les mêmes raisons, on voit que la majorité des personnages préfèrent parler à leur assistant virtuel plutôt qu’entre eux. Et c’est ce qui va conduire Théodore à entretenir ce qu’il croit être une relation amoureuse avec un nouveau système d’exploitation révolutionnaire nommé OS1 qui est doté d’une fonction vocale particulièrement réaliste.

Le travail de Theodore n’est pas le coeur du film, même s’il démontre à quel point il lui permet de fuir ses propres émotions tout en étant doué pour les coucher sur papier lorsqu’il ne s’agit pas des siennes. En un sens, il fait semblant d’exprimer des émotions les plus réalistes possibles pour faire plaisir à son interlocuteur, le destinataire du courrier, afin de provoquer en retour une réaction émotionnelle authentique, exactement comme le fait son assistante vocale, Samantha, avec lui-même (sans qu’il ne s’en rende compte). C’est là tout l’objet du film, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. On constate dans la scène d’introduction que le bureau de Theodore se situe dans un environnement apaisé, chaleureux et coloré, où il n’est probablement pas prohibé de mettre une touche personnelle pour faciliter son implication émotionnelle, et ainsi maximiser son efficacité.

Lorsqu’il quitte son poste de travail chez Beautiful Hand Written Letters pour rentrer chez lui, Theodore est félicité par son collègue Paul, qui a donc pris le temps de lire les lettres pour en discuter. On n’en saura pas beaucoup plus sur le milieu professionnel de Theodore, mis à part le fait qu’il s’entend assez bien avec Paul pour le voir occasionnellement hors du bureau, et le fait que Theodore tire une certaine fierté de son travail puisqu’il envisage de publier ses écrits sous forme de recueil, suite à une suggestion de son assistante vocale Samantha. Si le film est bien plus dystopique qu’il n’en a l’air de prime abord, cela ne s’exprime pas particulièrement à travers le travail de Theodore, si on excepte le fait que son employeur n’existe que grâce aux dérives individualistes de la société dans laquelle il vit.

Ce monde du futur n’est toutefois pas une fatalité. Il n’appartient qu’à nous de le modeler, notamment par le biais de modèles économiques innovants sous la forme de startups qui pourraient devenir de nouveaux exemples managériaux éloignés des dérives dont la science-fiction ne cesse de nous avertir depuis des décennies.

 

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