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Anaïs Voy-Gillis, étoile montante de la réindustrialisation

Depuis des décennies, la France a choisi d'altérer voire même stopper une partie de ses industries à la faveur des secteurs tertiaires. La récente crise sanitaire a prouvé qu'il est désormais temps de réindustrialiser le pays sur de bonnes bases. C'est le combat que mène Anaïs Voy-Gillis depuis 2014.

Depuis les plans de relance économique, son visage circule sur la toile avec autant de récurrence que les sujets concernant la réindustrialisation française. Le sujet est à la mode, elle aussi. Anaïs Voy-Gillis est docteure en géographie, chercheuse associée au sein du CRESAT (Université de Haute Alsace), travaille sur les questions industrielles françaises et européennes. Encore inconnue il y a quelques mois, elle a su se faire une place dans le paysage médiatique. « Je n’ai rien sollicité, assure-t-elle. Mais comme la réindustrialisation est au cœur des débats, des espaces de parole s’ouvrent. » Anaïs Voy-Gillis était en conférence à Quai Alpha, incubateur de startups, aux côtés de Thomas Huriez, le patron des jeans 1083, fin septembre.

Un livre sur la renaissance industrielle française

La trentenaire maîtrise son sujet, dont elle a fait une thèse puis un livre avec Olivier Lluansi, intitulé « Vers la renaissance industrielle » aux éditions Marie B. Elle y explique comment les élites française ont, dans les années 1970, prôné l’idée que la France n’aurait plus besoin d’une industrie aussi forte, mais se dirigerait au contraire vers une ère du tertiaire et des services. Comme tout bon pays développé.

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Vers la renaissance industrielle d’Anaïs VOY-GILLIS et Olivier Lluansi

Un postulat qu’elle dénonce depuis plusieurs années et qui trouve un écho retentissant depuis la crise sanitaire. « En 2014, quand j’ai fait le choix de travailler sur une thèse consacrée à la réindustrialisation, on m’a regardé comme un ovni. Je n’étais ni économiste, ni ingénieure. Le sujet n’était pas à la mode, malgré l’intervention d’Arnaud Montebourg au ministère du redressement productif, et on se demandait ce que je faisais là », reconnaît-elle. Pourtant, elle ne renonce pas et veut au contraire comprendre. Comprendre comment nous en sommes arrivés là et comment nous pourrions nous en sortir. « Concrètement, au-delà des grands discours et des bonnes intentions, que peut-on réellement réindustrialiser, pourquoi et comment ? ».

« Nous avons assistés, passifs, à la désindustrialisation de la France, si bien que l’on imaginait notre économie post-industrielle, basée uniquement sur les services ».

La jeune femme décide d’opter pour un modèle hybride : continuer la recherche dans le secteur public en validant un doctorat, tout en travaillant dans le privé grâce à un contrat Cifre, dans un cabinet de conseil, pour accéder aux informations du terrain, i.e. les industries. En 2015, elle rentre chez Akya consulting, cabinet spécialisé dans le conseil pour des cessions de sites industriels en difficulté. « Les entreprises en place avaient besoin de se réorganiser pour la pérennité de leurs activités, parfois en regroupant toutes leurs activités sur un seul site. Ils quittaient les lieux avec comme enjeu de trouver un avenir au site, parfois par souci éthique, parfois pour éviter d’avoir à faire des plans sociaux », explique-t-elle, sans angélisme. Elle a par exemple géré le dossier Tropicana à Hermes, en 2018, repris par un allemand.

En 2016, le cabinet de conseil Akia devient June Partners et Anaïs Voy-Gillis en est désormais la directrice. Sa mission a changé car elle intervient désormais en amont pour aider les industries à se réorganiser, revoir leur schéma de supply chain, changer d’ERP et les accompagner dans le changement, numérique comme climatique. « La réorganisation peut aller jusqu’à des suppressions de postes et humainement c’est très difficile. Mais personne ne le fait par plaisir et si les entreprises en arrivent là c’est parfois qu’elles n’ont plus le choix, sans quoi elles peuvent se retrouver en faillite et dans ce cas c’est tout le monde qui se retrouve sur le carreau. »

Une intellectuelle au caractère affirmé

Originaire de Saint-Rémy-de-Provence et de Poitiers, Anaïs Voy-Gillis reste discrète sur sa vie privée. « J’ai toujours vécu entre les deux villes, je ne pourrais pas choisir », confie-t-elle. Après trois ans d’études à la fac de Poitiers puis deux ans à Paris, elle était revenue travailler, pendant six mois, pour le cabinet du président de Région de Poitou-Charentes, Jean-François Macaire.

Forte de ses expériences de recherche et de terrain, Anaïs Voy-Gillis n’hésite plus à porter haut et fort les résultats de sa thèse. Elle intervient ainsi régulièrement sur la chaîne virtuelle Xerfi Canal, un thinktank audiovisuel axé sur le thème de l’économie, la stratégie et le management des entreprises. Elle y aborde les forces et les faiblesses de l’industrie française, les stratégies de filières industrielles ou encore la Chine et le défi écologique.

La spécialiste de l’industrie s’est fait remarquer sur la toile, très active sur Twitter. Depuis le printemps, elle enchaîne les interviews et les prises de parole, dont parfois des sorties très remarquées, comme lors de son intervention à l’Assemblée nationale à l’occasion de son audition pour la commission d’enquête consacrée à la politique industrielle.

La jeune femme a interpellé avec fougue les élus, inquiète pour l’avenir de son pays. « On nous a demandé de plancher sur les causes de la désindustrialisation. On ne pourra pas reconstruire en deux ans, à l’aide de quelques milliards, ce qui a été démoli pendant quarante ans », avertit-elle. Elle préconise une remise à plat du système fiscal et d’aides publiques octroyées aux entreprises, un ministère plus large que l’industrie en elle-même (regroupant notamment la formation, l’environnement, etc.) et de ne pas sous-estimer la responsabilité des entreprises dans le phénomène de désindustrialisation, souvent réduit dans le débat à la responsabilité seule des pouvoirs publics. « La correction du système par réformes additives ne suffira pas. Il s’agit d’avoir le courage d’entamer des réformes structurelles », assure-t-elle.

L’émission Thinkerview qui a accordé deux heures d’interview à cette chercheuse passée sous les feux de la rampe. Elle y explique en détail les conclusions de ses recherches, parfois avec dynamisme. « On me dit de ne pas m’énerver mais si, il faut être énervée. Certains élus ne seront plus là quand nous prendrons les 3°C dans la tête d’ici 2050. Mais moi oui », lance-t-elle. Elle n’a en effet que 30 ans.