À seulement 28 ans, Mélanie Glibusic est une cheffe d’entreprise qui compte 12 salariés, installés à Quai Alpha à Epinal. Elle a fondé sa première société, MG-IB, spécialisée dans l’aménagement de bureaux professionnels et d’espaces industriels, en 2018. Elle a lancé le projet Shareloc, un nouveau bébé qui occupe largement cette business woman passionnée d’industrie et en action sur tous les fronts.
Déterminée. A lui seul, ce mot suffirait sans doute à décrire la CEO du projet Shareloc : Mélanie Glibusic. D’un pas assuré, elle entre dans le hall de Quai Alpha, ses longs cheveux bruns lâchés sur ses épaules, vêtue d’un pull rouge vif à peine effacé par son tailleur noir. Son allure à elle seule la destinerait à faire la Une d’un élégant magazine pour femmes trentenaires et cheffes d’entreprises. Mais qu’on ne s’y trompe pas : si elle prend régulièrement la pose devant l’objectif de photographes professionnels pour le plaisir, elle n’a aucunement l’intention de laisser son image primer sur ses compétences. S’arrêter à son physique serait la première et dernière erreur à commettre. « Bon, que voulez-vous savoir ? », nous lance-t-elle, de cette façon cash et décomplexée qui la caractérise.
Pressée. Impatiente. Cela aussi lui correspond bien. La jeune femme est bien occupée par sa principale activité : la société MG-IB, créée en 2018 et spécialisée dans l’aménagement d’espaces de travail et industriels. Difficile de rester plus d’une heure avec elle sans qu’elle ne soit interrompue. « J’ai besoin que ça bouge et surtout que ça avance », concède-t-elle.
Des Balkans à la France
Lorsque Mélanie Glibusic était plus petite, sa créativité passait par le dessin. Une passion qu’elle n’a jamais lâchée mais dont elle n’a pas fait son métier. « Mon père était très doué en peinture mais il m’a toujours dit que les artistes gagnaient bien leur vie… une fois qu’ils étaient morts ! », sourit-elle.
Loin de décrire un rêve brisé, elle raconte avec admiration le sacrifice de ses parents, tous les deux immigrés des Balkans, qui ont toujours travaillé dur pour donner les meilleures chances à leurs 4 filles. A 16 ans, Mélanie rejoint sa mère à l’usine et découvre alors, sans le savoir, sa vocation. « Ma maman travaillait sur une presse dans une entreprise de plasturgie automobile. J’ai pris conscience de la pénibilité de ses tâches, à rester là debout 8 heures par jour. Soudain, j’ai été triste. Triste d’avoir été aussi égoïste et de râler quand on me demandait d’aider à la maison », confie-t-elle.
Loin de la rebuter, le monde de l’industrie va au contraire exercer une véritable fascination sur elle. Elle veut tout connaître, tout comprendre. Elle qui a toujours été douée pour modéliser les objets et les visualiser dans l’espace a trouvé un terrain de jeu infini.
Elle commence alors à interroger tout le monde, demande aux salariés et à leur manager pourquoi ils font ça de telle façon, comment fonctionne telle machine, etc. Elle veut comprendre les processus et assembler le puzzle. « Nous utilisons ces pièces tous les jours sans nous en rendre compte, dans nos voitures, dans les distributeurs bancaires, etc. Elles sont secondaires et donc invisibles, ce qui nous empêche de les apprécier à leur juste valeur », observe-t-elle.
« Je n’ai pas peur de me battre. Il faut aller au bout des choses ».
Pour participer à l’élaboration des processus industriels, la jeune femme comprend rapidement qu’elle devra se former. Elle obtient un DUT Qlio (qualité, logistique industrielle et organisation) en 2014, poursuit avec une licence à Nancy et se fait embaucher par l’entreprise qui l’a acceptée en stage de fin d’études. « J’y suis restée quelques mois en CDD, j’ai même fini par gérer un showroom toute seule car ma manager avait démissionné. »
En attente de plus de stabilité, elle n’obtient pas gain de cause. « J’ai cherché d’autres offres d’emploi ailleurs qu’à Nancy et une entreprise de rayonnages industriels m’a reçue en dernière minute pour un entretien. L’offre était déjà bouclée mais j’ai tenté de les convaincre malgré tout. Je suis montée à Lille dans la journée, powerpoint à l’appui et je me suis battue. Ça a duré 5 heures », se souvient-elle, fière de n’avoir rien lâché. Elle obtient un CDI la semaine suivante et quitte son poste. « On m’a proposé un salaire plus élevé dans mon ancien job et un CDI pour me faire rester, mais ça ne marche pas comme ça. J’avais donné ma parole pour l’autre poste, je suis donc partie », défend-elle.
En 2018, après quelques années sur le marché du travail, Mélanie Glibusic a cependant des envies d’ailleurs. Elle est responsable de son secteur, les chiffres décollent d’abord puis retombent. « Mon manager, qui était mon ancien collègue, me disait que ce n’était pas bien sans m’aider à trouver de solution. Avoir des chiffres en baisse me minait déjà le moral car j’ai horreur de l’échec. J’ai décidé de faire d’une pierre deux coups : trouver pourquoi les chiffres (et donc notre modèle de vente) étaient mauvais et devenir ma propre patronne. »
« À aucun moment je ne me suis dit que je n’allais pas y arriver »
En 2018, Mélanie Glibusic fonde MG-IB, sa propre société spécialisée dans le rayonnage, l’aménagement d’espaces de travail et industriels. « J’ai arrêté de partir du catalogue de vente pour tenter de vendre à mes clients des choses dont ils n’avaient pas besoin, pour au contraire analyser leur situation, comprendre leur besoin et y répondre sur-mesure », détaille-t-elle.
L’amorçage n’a cependant rien d’évident : pour commander des rayonnages, elle doit théoriquement verser un acompte à ses fournisseurs, tandis qu’elle ne se fait payer par ses clients que plusieurs semaines plus tard. Elle a donc un problème de trésorerie. «Un premier fournisseur m’a fait confiance, sans me demander d’acompte, et j’ai pu me lancer », se souvient-elle, reconnaissante.
Mais l’aventure ne va pas se dérouler sans encombre et Mélanie va découvrir à ses dépends pourquoi le besoin en fonds de roulement (BFR) est le nerf de la guerre de son business. « Quelques mois après mes débuts, un fournisseur s’est trompé et a encaissé un de mes chèques trop tôt : 8000 €. Je me suis retrouvée à – 2000 €, soit moins que mes capitaux propres, ce qui est formellement interdit. En 10 minutes tout a basculé et mon entreprise pouvait être placée en liquidation judiciaire », raconte-t-elle, encore sonnée par cette situation dont elle s’est heureusement sortie, grâce à la compréhension de son fournisseur qui lui a refait un chèque immédiatement dans l’autre sens. « Tout peut aller très vite ; j’étais stressée, je dormais peu », reconnaît-elle, pas découragée pour autant. Elle précise : « A aucun moment je ne me suis dit que j’allais arrêter ou que je n’allais pas y arriver. Après tout, je ne suis pas la première à le faire. »
MG-IB, une entreprise familiale pour l'agencement d'espaces industriels
L’aventure MG-IB a ensuite pris un tournant familial. Sa sœur Sandra, spécialisée dans les Ressources humaines, la rejoint l’année suivante. « Nous pensions nous connaître mais en fait non. C’est en travaillant ensemble que nous avons vraiment découvert qui nous étions. » Sandra s’occupe des secteurs Savoie et Haute-Savoie. « Je faisais 154 000€ à moi toute seule mais j’étais isolée, personne ne me comprenait. L’arrivée de Sandra, qui vivait les choses avec moi, a été un grand soulagement », reconnaît volontiers Mélanie. Début 2021, le conjoint de Mélanie a également rejoint l’aventure. « Ce n’est pas évident pour l’autre, surtout quand il est salarié, de comprendre notre engagement dans l’entreprise. Il ne se plaisait plus dans son travail alors je lui ai dit de trancher, de sauter le pas et de venir. Ce qu’il a fait », se réjouit-elle.
Être cheffe d’entreprise comporte son lot de défis, que Mélanie relève chaque jour. Cette battante au caractère bien trempé rassemble et parvient toujours à convaincre, alors quand il faut déléguer ce n’est pas toujours gagné. « J’apprends », affirme-t-elle, membre du Centre des jeunes dirigeants (CJD). « Le CJD m’a appris que mon mode de fonctionnement n’est pas celui des autres. J’avais l’impression que j’allais plus vite en faisant moi-même mais savoir gérer une entreprise c’est savoir déléguer. Et pour optimiser et garder le contrôle de la stratégie, j’ai simplement appliqué en interne les KPI que je mettais en place pour les autres. »
Tous les jours, les pièces du puzzle s’assemblent un peu plus grâce à la recette qu’elle applique : bien s’entourer.